L’inéluctable déclin du transport aérien français

Tour Mag (Chronique de Jean-Louis Baroux)

" Nos compagnies françaises sont dans l’incapacité de soutenir la concurrence avec leurs homologues et ce pour beaucoup de raisons. "

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lundi 8 octobre 2018, par administrateur

Tour Mag

(Chronique de Jean-Louis Baroux)

" Regardons les choses en face. Tout d’abord le marché français est le troisième d’Europe après la Grande Bretagne et l’Allemagne.

Il sera le deuxième en cas de Brexit. C’est dire si cette proie est intéressante, car nous vivons maintenant sous le régime de l’"Open Sky" européen, ce qui revient à dire que n’importe quel transporteur de l’Union Européenne ou qui détient des droits équivalents, comme Swissair ou Norwegian, peut à loisir desservir n’importe quelle desserte couverte par les droits européens et donc français.

Or le constat est clair, nos compagnies françaises sont dans l’incapacité de soutenir la concurrence avec leurs homologues et ce pour beaucoup de raisons.

D’abord leur capacité financière. Cette dernière a été particulièrement érodée depuis disons les 10 dernières années. C’est ainsi que le groupe leader français Air France/KLM a accumulé une perte de 5,722 milliards d’euros entre 2009 et 2017 alors que dans le même temps British Airways faisait un profit de 5,491 milliards d’euros et le groupe Lufthansa affichait un profit de 8,271 milliards d’euros.

Les autres transporteurs français, de taille beaucoup plus modeste essaient d’équilibrer leurs comptes avec des résultats proches de l’équilibre à la notable exception d’Air Caraïbes qui a fait un profit de plus de 57 millions d’euros pendant les 4 derniers exercices.

La conséquence est brutale, hormis Air Caraïbes, les transporteurs français ne disposent pas des moyens financiers pour investir dans leur produit alors que leurs concurrents en ont largement les possibilités… et ils ne s’en privent pas.

Garder l’emprise sur le marché domestique

Plus grave est l’incapacité de nos transporteurs à préserver leur emprise sur le marché domestique. Celui-ci est en train de basculer dans les mains des « low costs » anglo-saxons mais aussi espagnols.

Et ces concurrents ont largement les moyens de leurs ambitions. Au cours de la même période, 2009 – 2017, Ryanair a fait un profit net cumulé de 4,752 milliards d’euros et easyJet de 2,880 milliards d’euros alors que Vueling devait se contenter d’un modeste, dirons-nous, résultat de 470 millions d’euros.

Autrement dit les concurrents ont les reins assez solides pour éliminer les compagnies françaises de leur propre territoire domestique. Et ils ne vont pas s’en priver.

Ryanair, EasyJet, Vueling et même Volotea annoncent d’ores et déjà l’ouverture de nouvelles bases dans les villes de province, là où Air France avait largement échoué. Seule l’utilisation massive de Transavia sur le territoire métropolitain pourrait préserver le pavillon français, mais cela est refusé par les syndicats.

Peut-on inverser le cours des choses ? Rien n’est moins sûr tant les Pouvoirs Publics semblent impuissants à mettre ce secteur d’activité en mesure de se mesurer avec les concurrents étrangers, alors même qu’ils restent accrochés à leur maintien dans le capital d’Air France/KLM, bien que tous les experts s’accordent à voir dans cette participation l’une des causes majeures à la difficulté du dialogue social dans l’entreprise.

Soyons encore plus clairs. Les fameuses Assises du Transport Aérien ne vont déboucher sur rien de tangible. D’ailleurs les principaux acteurs que sont les dirigeants des compagnies françaises ne l’ont pas envoyé dire lors de leur récente intervention au cours de l’IFTM. 

Allez pour faire un geste, parions que la fameuse « taxe Chirac » sera enlevée et qu’alors, les transporteurs seront priés de dire merci.

Charges sociales, contraintes administratives

Mais cela ne pourra en rien améliorer la compétitivité des compagnies.

Celles-ci sont plombées par des contraintes qui ne pèsent pas sur leurs concurrents. Il faut bien sûr mentionner l’écart des charges sociales qui renchérissent les coûts français de centaines de millions d’euros, mais il faut rajouter les contraintes administratives imposées par la DGAC qui a rajouté des couches aux règlements européens, sans que l’on puisse y voir une quelconque justification.

Et puis il y a l’absence de coordination entre les différents services dont l’Etat est soit gestionnaire soit largement décisionnaire, je veux parler des acheminements ville-aéroport, des difficultés récurrentes rencontrées par le contrôle aérien et même par la gestion de la sûreté qui retombe sur le transport aérien et pas sur le transport ferroviaire.

Bref, on voit très mal comment avec tous les handicaps et en dépit d’un savoir-faire reconnu, les compagnies françaises pourront maintenir leur position à défaut de pouvoir, elles-mêmes, s’installer durablement et avec profit dans les marchés européens."


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